BlogVillesMaximiser l'impact positif des vélos en libre-service, avec Caroline Van Renterghem
6 décembre 2023

Maximiser l'impact positif des vélos en libre-service, avec Caroline Van Renterghem

Par Fifteen
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Caroline Van Renterghem œuvre chez Fifteen depuis 2020. Son obsession ? Maximiser l’impact positif des services vélos propulsés par Fifteen, en augmentant les émissions évitées (en remplaçant des trajets carbonés par des trajets décarbonés) et en réduisant les émissions induites par l’activité. Forcément, les problématiques d’assemblage en France et de conception durable lui tiennent à cœur. Dans cette interview, Caroline décrypte pour nous les grands enjeux liés à l’impact pour une entreprise comme Fifteen, et sa vision pour des services vélos qui mettent toujours plus de monde en selle.

Quel est ton rôle chez Fifteen ?

Je suis Impact & Public Affairs Director. Mon rôle consiste à mesurer et améliorer les impacts sociaux et environnementaux de Fifteen et à éduquer notre marché pour aligner usage, revenus et impact positif. Aujourd’hui Fifteen permet d’éviter plus d’émissions de CO2 qu’elle n’en émet. Elle permet des émissions évitées grâce aux kilomètres parcourus par ses services qui remplacent, entre autres, des trajets en voiture individuelle. Pour fonctionner, Fifteen émet des émissions pour concevoir, fabriquer, entretenir et opérer ces flottes. La différence entre ces émissions évitées et induites est un ratio que je surveille de près. Et il est positif !

Cependant, je travaille au quotidien avec l’ensemble des équipes pour l'améliorer. Je collabore avec les équipes Produit et Opérations pour réduire les émissions de notre chaîne de valeur et avec les équipes commerciales pour maximiser nos émissions évitées en déployant toujours plus de vélos dans des zones où ils remplaceront toujours plus de voitures. C’est ce qu’on appelle le report modal. Notre objectif commercial est ainsi totalement aligné avec notre mission à savoir contribuer à des impacts positifs en termes d’environnement mais aussi de santé et d'inclusivité. En installant des services Fifteen dans un grand nombre de villes, notamment moyennes, où la voiture est reine, nous travaillons à améliorer ces trois impacts.

Je justifie ainsi la promotion de Fifteen mais plus largement de notre modèle d’affaires, les services de vélos publics, c’est-à-dire subventionnés par une collectivité aux regards de ces nombreux impacts positifs. L'objectif est de faire des services de vélos publics un outil évident de la décarbonation des transports pour tous les territoires.

On parle beaucoup de relocalisation, de réindustrialisation. Quels sont les avantages de le faire ?

Relocaliser ou réindustrialiser une des pièces maîtresses de notre vélo a un triple intérêt.  Après le rapatriement de notre ligne d'assemblage, cela accentue l'intérêt de relocaliser le reste de notre chaîne de valeur pour la concentrer en France. Nous pensons ainsi pouvoir atteindre 80% de Made In France sous peu. Le mix énergétique en France est le moins carboné d’Europe, toute étape de fabrication relocalisée génère donc une économie d’énergie d’un facteur 5 de notre consommation d’énergie sur cette étape (L’impact énergétique de la France est de 104 gCO2e/kWh, celui de la Chine de 530 gCO2e/kWh). Enfin, cela contribue à la création d’emplois non délocalisables : 15 chez GCK grâce à la relocalisation de notre batterie.

À noter que le gain sur l’impact du transport est minime car GCK va assembler nos batteries mais les cellules continueront de venir de “Gigafactories” asiatiques. À ce stade, seules des cellules destinées à la fabrication automobile seront produites en France. À titre d’exemple, l’impact du transport ne représente qu’1% de l’impact total du vélo. C’est la fabrication et l’utilisation du vélo, dont la maintenance et la réallocation, qui sont les étapes les plus impactantes.

Quels sont les défis liés à la production de vélos en France ?

Il y a deux défis majeurs à la relocalisation de la chaîne de production des vélos partagés en France. Le premier est la maturité de la filière industrielle du vélo. Il nous est impossible de relocaliser certaines pièces dont la fabrication n’existe pas ou peu en France. C’est le cas des composants électroniques ou des cellules des batteries par exemple.

Et le second défi est de trouver une solution économiquement viable. Cela s’obtient souvent par une standardisation et d’importants volumes de production. Les vélos partagés et en particulier ceux de Fifteen sont très spécifiques par rapport à des vélos classiques. Le cadre est par exemple un des éléments qui sera le plus difficilement relocalisable car actuellement seule une conception proche d’un vélo électrique classique pourrait être produite en France dans des conditions technico-économiques acceptables.

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Vélos électriques Fifteen – Usine d'assemblage dans les Hauts-France

Quel est l’impact d’un vélo et d’une batterie assemblés en France sur les émissions de CO2 liées à la production des produits Fifteen ?

Au total, les produits représentent 49% de notre impact CO2, et l’impact CO2 individuel par vélo est de 422 kg CO2 en sortie d’usine. La batterie représente quant à elle 15% de l’impact CO2 du vélo fini. L’impact lié à l’assemblage en France est surtout lié au mix énergétique qui est moins carboné en France qu’en Asie.

Comment Fifteen mesure-t-il les émissions de CO2 induites par son activité ?

Nous mesurons nos émissions de CO2 de deux manières. L’une avec une vision annuelle selon la méthode du Bilan Carbone. L’autre avec une vision cycle de vie selon la méthode de l’Analyse Cycle de Vie. Nous réalisons un bilan carbone chaque année. Nous avons choisi pour cela de mesurer nos émissions jusqu’au “Scope 3” c’est-à-dire en intégrant l’impact de production de nos produits mais aussi leur utilisation. Pour des vélos partagés, c’est là que réside l’essentiel des impacts. Ce “Scope 3” correspond aujourd’hui à 99% de nos impacts environnementaux. 

L’Analyse Cycle de Vie est réalisée à l’échelle d’un produit en prenant en compte toutes les étapes de l’extraction des matières premières à la fin de vie. L'intérêt de cette analyse est qu’elle prend en compte non seulement les émissions de CO2 mais un ensemble de plus de 20 impacts environnementaux résumés en un indicateur appelé le “Score Unique” (SU). Ainsi, avec une vision purement CO2, le cadre et la fourche sont les composants les plus impactants du vélo car les plus consommateurs d’énergie. Mais avec une vision SU, les composants électroniques dont la batterie sont les plus impactants puisqu’ils utilisent des terres rares dont l’extraction accentue l’épuisement des ressources, dégrade les écosystèmes dont celui des océans, etc…

Au-delà de l’assemblage en France, la conception de la batterie a été revue. Quels sont les objectifs ?

La réparabilité et la recyclabilité sont clés dans l’augmentation de la durée de vie d’une batterie. Ainsi, GCK a, avec nos équipes, pensé cette batterie pour être entièrement réparable. À la manière d’un “fairphone”, vous pouvez changer ou réparer les composants défectueux et ainsi la remettre en service et prolonger sa vie. Pour cela nous avons par exemple dû trouver une alternative au collage des cellules. Cela sert habituellement à protéger des chocs. La colle empêche de réparer donc nous avons dû optimiser l’assemblage pour ne pas avoir recours au collage.

En termes de recyclabilité, nous sommes dépendants des capacités de recyclage de la filière. Nous travaillons avec l'éco-organisme SCRELEC qui collecte nos batteries et les confie à des groupes comme SUEZ ou VEOLIA. Actuellement, 18% des matériaux ne parviennent pas à être valorisés dans le processus de recyclage alors qu'ils sont en théorie recyclables, c’est ce qu’on appelle la “Black Mass”. Un autre 18% est valorisé énergétiquement c’est-à-dire brûlé pour créer de l'énergie pour l’industrie. C’est le cas de tous les éléments plastiques dans la batterie alors que ces matériaux sont aussi théoriquement recyclables. Le fait d’avoir des éléments facilement réparables et des matières les plus pures possibles contribue à améliorer la recyclabilité de notre batterie.

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La batterie pour vélos électriques Fifteen, assemblée en France

Quand on parle de réparabilité, qu’est-ce que cela signifie exactement ?

Notre batterie est entièrement réparable. Son taux de réparabilité est le pourcentage de batteries défectueuses que nous parvenons effectivement à réparer et qui poursuivent leur vie au lieu d’être envoyées en recyclage. Concrètement, sur 100 batteries en panne, nous parvenons à en réparer 85. La performance de cette réparation est directement liée au CO2 économisé puisque chaque batterie réparée est une batterie en moins que nous avons à produire.

Une batterie peut avoir des usages très variés, comment comprendre la notion de durée de vie ?

Il est important d’avoir en tête que pour des composants, on ne peut jamais parler d’une durée de vie en termes chronologiques mais seulement en termes de nombres de cycles ou de kilomètres parcourus. Pour une batterie, sa durée de vie est mesurée en nombres de cycles de charge. Chaque cycle pouvant effectuer un kilométrage différent selon les conditions d’utilisation (pente, conditions météorologiques etc…). Ainsi le nombre de cycles de vie de notre batterie a été multiplié par deux grâce à son re-design et son assemblage en France. 

Quelles autres actions Fifteen envisage-t-il de mettre en place pour réduire son empreinte carbone ?

Comme précisé, nos impacts proviennent majoritairement de la fabrication des vélos puis de leur usage. Cette seconde partie est souvent aux mains des exploitants donc elle est plus difficile à appréhender. Nous travaillons cependant main dans la main avec ces partenaires pour l’optimiser, en utilisant par exemple des véhicules de maintenance à motorisation électrique, mais aussi en fiabilisant toujours plus nos vélos ce qui réduit la maintenance et donc les besoins en pièces de rechange. La capacité de nos vélos de s'auto-diagnostiquer à distance ainsi que nos logiciels de gestion (GMAO) contribue aussi à réduire les impacts générés par les opérations en réduisant les distances parcourues par les véhicules qui organisent la flotte. 

Nous avons par ailleurs mis en place un vaste programme d’éco-conception de nos produits pour s’attaquer à cette part des émissions dont nous avons la responsabilité. L’ensemble de nos équipes Produit ont été formées et objectivent leurs choix de conception grâce à un logiciel d’éco-conception qui les aide à choisir la solution la moins impactante. Nous espérons avoir réduit l’impact du vélo en sortie d’usine de 5% l’année prochaine et de 60% à horizon 2032.

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